Assis face à moi-même à la table des doutes
Je buvais gentiment de l’acide sulfurique
Écoutant le passé palpiter sous ma croûte
En ondes saugrenues aux relents méphitiques
Mon esprit est mordu par les dents cannibales
De l’enfant que je fus défoncé de silence
Équilibre précaire près du vide abyssal
Où sanglotent et rigolent les affres de l’absence
Il suffirait d’un mot qu’il soit gros ou vilain
Une goutte de vie clapant dans mes eaux noires
Un écho sous-marin, un retour très lointain
Et je pourrais changer le cours de mon histoire
L’heure des taies a sonné, la nuit m’a assommé
J’ai sommé le fantôme de quitter mon château
Il faudrait que l’oubli arrive à point nommé
Pour pommader enfin les trous de ton couteau
Assis face à plus rien dans un trou de mémoire
Je m’octroie vaillamment ma remise de peine
Il me reste la nuit pour vomir mon déboire
Et l’acide sulfurique qui irrigue mes veines
L’aube vient et confirme que ta peau est manquante
Mes draps étaient de lin et moi j’étais tout seul
J’ai pissé dans leurs plis de mes larmes piquantes
Et me suis rendormi au creux de mon linceul
A midi le soleil a brûlé mes rétines
Une avalanche de lux déversée du velux
Je me suis mis debout face à une aspirine
Et j’ai compris soudain que vivre est un grand luxe
J’ai récolté mes pleurs qui avaient fait des fleurs
J’en ai fait un bouquet que dans un vase clos
J’ai enfermé vivant au tombeau de mes peurs
Puis j’ai scellé le tout dans un dernier bravo
Renaud de Hurlevent